jeudi 2 juillet 2015

LA GUERRE DE CATHERINE Julia Millet

Rachel, une enfant juive, est confiée par ses parents à La Maison des Enfants de Sèvre pendant la

seconde guerre mondiale dans le but de la protéger. Il s'agit d'une école avant-gardiste gérée par

Goéland et son mari Pingouin où les élèves se forment selon la " nouvelle pédagogie ". Dans un

climat favorable à la réadaptation intellectuelle, physique et morale des enfants, tout en stimulant

leurs sens de la création du désir de l'expression libre, Rachel s' y découvre une véritable passion

pour la photographie et l'écriture : « En neuf mois, j'ai beaucoup appris et j'ai déjà découvert tant

des choses nouvelles [...]. J'ai même fait une conférence devant plusieurs classes et je leur ai

présenté, à cette occasion, quelques images des photographes rencontrés aux détours de mes

recherches [...]. J'ai adoré chercher, trouver, raconter toutes ces histoires aux autres » . Grace à

cette nouvelle approche éducative influencée aussi par les théories de la pédiatre et psychanalyste

Françoise Dolto , une fervente militante de la cause des enfants , l'école devient non seulement le

lieu privilégié de l'apprentissage de soi-même où chaque enfant retrouve son rôle précis -  notre

Rachel est la responsable de l'atelier photo par exemple - , mais aussi un terrain fertile pour

s'initier à la vie d'adulte. Sous l'occupation, la maison représente également un abri contre la

guerre, la peur et le " bruit de la mort ". Lorsque les lois antisémites s'intensifient, les enfants juifs

de la Maison doivent changer d'identité, oublier leur passés, leur familles, leur amis, puis partir en

zone libre avec des inconnus. Rachel s'appelle désormais Catherine Colin. Une fuite est

rapidement organisée grâce à l'intervention de l'OSE (L’œuvre de secours aux enfants). Avant de

partir la Directrice du pensionnat confie à Rachel/Catherine une véritable mission : « Fais des

photos, collecte des images et rapporte-nous tout cela à la fin de la guerre. Nous en aurons besoin.

À toi de fixer les moments importants de l'Histoire. Va, regarde le monde avec tes yeux d'artiste, de

citoyenne de la République des enfants, ne perds rien. Nous aurons tous besoin de ces souvenirs

quand la guerre sera finie. N'oublie pas ce que je t'ai appris, ce que tes instituteurs t'ont appris.

Nous avons chacun à expérimenter par nous-mêmes la vie et c'est à chacun de nous d'y trouver des

enseignements  » . Commence ainsi pour la protagoniste un long et émouvant voyage dans le sud

de la France. Munie de son appareil photo, elle immortalise des instants du pays en guerre et

raconte la quotidienneté angoissante de cette époque: la faim, la misère, la peur, la nécessité pour

les juifs comme elle de se cacher, de s'obliger à suivre la doctrine catholique pour ne pas éveiller

des soupçons, mais aussi la reconnaissance, l'aide des résistants, l'espoir d'un monde différent, le

soutien des autres, parfois brutal, mais toujours touchant, vécu au jour le jour à travers les yeux

d'une jeune fille. Ella va donc photographier les enfants croisés sur sa route, comme Agnès sa

confidente intime, - c'est à elle que Catherine raconte ses premiers émois amoureux pour Etienne-

ou la timide Alice, orpheline juive, qui lui réclame une protection affective. Et encore ceux qui l'ont

aidée, hébergée dans le couvent de Saint Eustache d'abord, dans la famille des fermiers ou dans

les Pyrénées ensuite, en essayant elle-même de partager les enseignements reçus jadis. La passion

pour la photographie devient pour Catherine une véritable source de vie et une compagne

précieuse  : « Regarder par le biais du viseur, à travers une glace, me permet de rester là, dans

cette distance qui me protège de la terreur » . C'est avec finesse et sensibilité que l'auteur, Julia

Billet, nous conduit doucement dans un moment bien connu de notre histoire, dont sa famille fait

également partie, mais sans stéréotypes, sans clichés, magnifiquement décrit selon le point de vue

d'une enfant, que l'on a rarement l'occasion de voir et qui enrichis d'émotion chaque mot, chaque

page, chaque événement, bref , le livre entier.

Valentina