Rachel, une enfant juive, est confiée par ses parents à La Maison des Enfants de Sèvre pendant la
seconde guerre mondiale dans le but de la protéger. Il s'agit d'une école avant-gardiste gérée par
Goéland et son mari Pingouin où les élèves se forment selon la " nouvelle pédagogie ". Dans un
climat favorable à la réadaptation intellectuelle, physique et morale des enfants, tout en stimulant
leurs sens de la création du désir de l'expression libre, Rachel s' y découvre une véritable passion
pour la photographie et l'écriture : « En neuf mois, j'ai beaucoup appris et j'ai déjà découvert tant
des choses nouvelles [...]. J'ai même fait une conférence devant plusieurs classes et je leur ai
présenté, à cette occasion, quelques images des photographes rencontrés aux détours de mes
recherches [...]. J'ai adoré chercher, trouver, raconter toutes ces histoires aux autres » . Grace à
cette nouvelle approche éducative influencée aussi par les théories de la pédiatre et psychanalyste
Françoise Dolto , une fervente militante de la cause des enfants , l'école devient non seulement le
lieu privilégié de l'apprentissage de soi-même où chaque enfant retrouve son rôle précis - notre
Rachel est la responsable de l'atelier photo par exemple - , mais aussi un terrain fertile pour
s'initier à la vie d'adulte. Sous l'occupation, la maison représente également un abri contre la
guerre, la peur et le " bruit de la mort ". Lorsque les lois antisémites s'intensifient, les enfants juifs
de la Maison doivent changer d'identité, oublier leur passés, leur familles, leur amis, puis partir en
zone libre avec des inconnus. Rachel s'appelle désormais Catherine Colin. Une fuite est
rapidement organisée grâce à l'intervention de l'OSE (L’œuvre de secours aux enfants). Avant de
partir la Directrice du pensionnat confie à Rachel/Catherine une véritable mission : « Fais des
photos, collecte des images et rapporte-nous tout cela à la fin de la guerre. Nous en aurons besoin.
À toi de fixer les moments importants de l'Histoire. Va, regarde le monde avec tes yeux d'artiste, de
citoyenne de la République des enfants, ne perds rien. Nous aurons tous besoin de ces souvenirs
quand la guerre sera finie. N'oublie pas ce que je t'ai appris, ce que tes instituteurs t'ont appris.
Nous avons chacun à expérimenter par nous-mêmes la vie et c'est à chacun de nous d'y trouver des
enseignements » . Commence ainsi pour la protagoniste un long et émouvant voyage dans le sud
de la France. Munie de son appareil photo, elle immortalise des instants du pays en guerre et
raconte la quotidienneté angoissante de cette époque: la faim, la misère, la peur, la nécessité pour
les juifs comme elle de se cacher, de s'obliger à suivre la doctrine catholique pour ne pas éveiller
des soupçons, mais aussi la reconnaissance, l'aide des résistants, l'espoir d'un monde différent, le
soutien des autres, parfois brutal, mais toujours touchant, vécu au jour le jour à travers les yeux
d'une jeune fille. Ella va donc photographier les enfants croisés sur sa route, comme Agnès sa
confidente intime, - c'est à elle que Catherine raconte ses premiers émois amoureux pour Etienne-
ou la timide Alice, orpheline juive, qui lui réclame une protection affective. Et encore ceux qui l'ont
aidée, hébergée dans le couvent de Saint Eustache d'abord, dans la famille des fermiers ou dans
les Pyrénées ensuite, en essayant elle-même de partager les enseignements reçus jadis. La passion
pour la photographie devient pour Catherine une véritable source de vie et une compagne
précieuse : « Regarder par le biais du viseur, à travers une glace, me permet de rester là, dans
cette distance qui me protège de la terreur » . C'est avec finesse et sensibilité que l'auteur, Julia
Billet, nous conduit doucement dans un moment bien connu de notre histoire, dont sa famille fait
également partie, mais sans stéréotypes, sans clichés, magnifiquement décrit selon le point de vue
d'une enfant, que l'on a rarement l'occasion de voir et qui enrichis d'émotion chaque mot, chaque
page, chaque événement, bref , le livre entier.
Valentina
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